ISDAT en danger

C’est au tour de l’institut supérieur des arts et du design de Toulouse de se retrouver confronter à une crise sans précédent, compromettant gravement son fonctionnement ainsi que l’avenir de nombreux membres de l’équipe et celui des étudiant·es. Pour une part, les difficultés de l’ISDAT sont communes à l’ensemble des écoles d’art en France. Mais elles tiennent aussi au projet d’établissement et à la gestion imputable au Directeur général de l’école au cours des 5 dernières années. Le personnel entre en grève à compter du 8 juin, à l’appel du Snéad et de Sud collectivités territoriales. Nous relayons ici un communiqué des étudiant·es et personnels mobilisé·es ainsi que leur pétition de soutien.

« Au bord de l’asphyxie, les écoles d’art lancent l’alerte »

« En France, un grand nombre d’écoles d’art connaissent une grave crise budgétaire. Face à des étudiants et personnels inquiets, les collectivités et l’État se renvoient la balle. »

—> À lire dans L’Hebdo du Quotidien de l’art, une enquête solide de Magali Lesauvage concernant la crise à laquelle sont confrontées les écoles d’art et design, et la mobilisation d’ampleur qui en résulte : https://www.lequotidiendelart.com/articles/23210-au-bord-de-l-asphyxie-les-%C3%A9coles-d-art-lancent-l-alerte.html

Un mariage qui tourne au vinaigre

« Mais que se passe-t-il derrière la superbe façade monumentale du quai de la Daurade ? », demande Médiacités. « Alertés en juin par des représentants du personnel au sujet d’un malaise dans l’école », Mediacités vient de consacrer un article à l’Institut supérieur des arts et du design de Toulouse (isdaT).

Après avoir consulté des membres du personnel enseignant et non-enseignant ainsi que des étudiant·es, et en ayant confronté leur propos à ceux de la direction de l’établissement (la présidence et la Drac, elles, n’ont pas souhaité répondre), la journaliste Armelle Parion dresse un tableau approfondi d’une situation malheureusement aussi déplorable que devenue banale dans nombre d’établissements : accroissement considérable des tâches, inégalité de traitement entre les agents et les différents services, projet pédagogique flou mais néanmoins imposé par un directeur qui travaille seul tout en prétendant le contraire, instrumentalisation des missions et statuts de certains agents au profit de partenariats sans intérêt pédagogique, etc. Le résultat : personnels démobilisés ou au bord de l’épuisement et dégradation des conditions de travail tant pour les agents que pour les étudiant·e·s.

Au-delà de la personne du directeur et du soutien aveugle que lui apportent les tutelles de l’établissement, on comprend également à la lecture de l’article qu’une part essentielle des problèmes tient à la nature d’un EPCC qui a été créé dans une logique de fusion entre établissements (« rapprochement », en termes politiquement corrects). Partout les mêmes soucis structurels, donc. Dix ans après la création des EPCC dans l’enseignement supérieur culture, ceux-ci apparaissent partout en France pour ce qu’ils sont : des instruments de gestion au service de politiques de désinvestissement, conduisant à en demander toujours plus avec toujours moins de moyens, et en imposant pour ce faire des pratiques managériales totalement inadaptées aux exigences et aux modes de fonctionnement démocratiques qui devraient être ceux de l’enseignement supérieur.

Concours d’entrée, premières années, dérives

Beaucoup d’enseignants affichent leur satisfaction d’enseigner aux deux premières années du cursus en école d’art. Elles sont essentielles sur le plan pédagogique et elles ont l’avantage de ne pas s’achever par des diplômes, ce qui leur épargne la pression de l’échéance. En dehors des situations de crise sanitaire comme actuellement, il y règne donc, surtout en première année, l’enthousiasme de la découverte et de l’expérimentation. Quelques dérives nous amènent à croire que cette période privilégiée serait menacée.

Pourtant, l’article 1 de l’Arrêté du 16 juillet 2013 portant organisation de l’enseignement supérieur d’arts plastiques dans les établissements d’enseignement supérieur délivrant des diplômes précise clairement que la première année des études supérieures d’art est le tronc commun du cursus menant au DNA *. On l’appelait autrefois (et toujours un peu) “ propédeutique ”, ce qui signifie : enseignement préparatoire en vue d’études plus approfondies (Littré). La deuxième et la troisième année étant des années de spécialisation qui s’effectuent dans le cadre d’options, ce premier cycle de trois ans s’achève par le Diplôme National d’Art.

Cela suppose que dans une école qui comporte plusieurs options (Art, Design, Communication, Design Graphique), tous les nouveaux étudiants entrent dans une année généraliste qui leur donne le temps de comprendre les enjeux de chaque option et donc de se déterminer. Il arrive systématiquement que des étudiants qui imaginaient se diriger vers Art choisissent en fin de première année l’option Communication, par exemple, ou qu’à l’inverse, des étudiants qui étaient a priori tentés par des études en Design choisissent l’option Art.

Ceci est donc la règle et la pratique supposée. Or, comme pour la plupart des règles concernant les écoles d’art, il existe toujours d’excellentes raisons et autant d’opportunités pour les contourner.

Quand l’ESA d’Avignon décide sans tenir compte de l’avis des enseignants de mettre fin à une pédagogie qui entretenait une osmose entre Art et Restauration au moins durant tout le premier cycle et organise deux concours nettement séparés, elle enfreint la règle d’une première année de tronc commun, l’année propédeutique, appauvri les enseignements et prive les étudiants d’un choix en connaissance de cause.

Quand l’option Restauration de Tours recrute directement en première année, elle enfreint également cette règle et prive les étudiants de la possibilité d’un choix en connaissance de cause.

Quand l’école d’Angers organise un recrutement spécifique pour Design et un autre pour Art (au cursus ensuite divisé en deux mentions : Art et Textile), c’est là encore en dépit des règles. Une spécialisation si précoce rend problématique que tout changement de parcours ultérieur, quoi qu’il soit annoncé.**

Quand les enseignants de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse reçoivent pour le concours d’entrée en première année des consignes de quota en fonction des intentions d’orientation des candidats pour leur deuxième année, ils sont incités à enfreindre l’Article 25 du Chapitre IV de la Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires *** qui leur impose d’une part l’impartialité, l’intégrité et la probité et d’autre part de traiter toutes les personnes à égalité. Les candidats en effet ne seront aucunement informés que selon leurs (vagues) intentions ils auront 1 chance sur 4 (Design ou Design graphique) ou 1 chance sur 18 (Art) d’être sélectionnés puisque la direction veut 20 élèves dans chacune des options et que les candidats qui escomptent s’orienter vers l’option Art sont infiniment plus nombreux. Il y a donc non seulement une rupture évidente d’égalité mais une dissimulation d’information au public.

*Le premier cycle d’enseignement supérieur d’arts plastiques prévu par le 1° de l’article D. 75-10-1 du code de l’éducation est constitué de six semestres (semestres 1 à 6). Il conduit au diplôme national d’art, assorti de trois options : art, communication et design. Les semestres 1 et 2 constituent un tronc commun.

** décision prise en CPVE puis ayant fait l’objet d’une délibération du CA, sans référence à l’Arrêté du 16 juillet 2013, délibération dont la Préfecture ne semble ne pas avoir vérifié la légalité.

*** modifié par l’article 1 de la Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

Un responsable du Snéad, membre de la LDH et observateur des pratiques policières, blessé à Toulouse

Jérôme, un de nos camarades, également membre de la Ligue des Droits de l’Homme et de l’Observatoire des pratiques policières de Toulouse, a été blessé par un projectile lancé ou tiré par la police le 2 février dernier. Nous reproduisons ci-dessous le communiqué commun de la Ligue des Droits de l’Homme, de la Fondation Copernic et du syndicat des avocats de France :

Le Snéad-CGT assure Jérôme et sa famille de son soutien indéfectible. Le bureau du Snéad-CGT, en particulier, lui témoigne son affection.

Jérôme aJérôme b

Toulouse, les étudiants mobilisés

Toulouse4

« Manifeste(r)

Depuis des années nous sentons que notre pays souffre de plus en plus. Depuis quelques mois la population, des personnes issues de toutes classes sociales s’éveillent et exigent une autre manière de vivre. Une vie que l’on ne subirait pas sans l’oppression politique et capitaliste menée depuis des années.

Jeudi 6 décembre, aux portes de l’école, nous avons assisté à des scènes d’une grande violence.

Comme à l’habitude au sein de notre établissement, les étudiant.e.s s’éveillent tardivement, enfermé.e.s dans une bulle, protégé.e.s par de hauts murs sans savoir de quelle manière réagir, alors que beaucoup cherchent à s’impliquer. Qu’importe la manière, le besoin de faire ensemble est plus que pressant. On nous apprend que l’art, le design et le design graphique partagent un lien étroit avec la politique et la société.

Aujourd’hui nous avons réellement l’impression de n’être que de simples spectateurs de quelque chose qui nous touche tous énormément.

Nous assistons à un mouvement que nous soutiendrons par l’expression artistique et collective.

Nous avons donc réagi vendredi 7 décembre, dans l’urgence et avec un sentiment de révolte et de peur face à ces visions.

Une centaine d’étudiants s’est réuni et nous décidons d’habiter pacifiquement l’école de manière à créer un temps d’expression et de réflexion collectif ininterrompu destiné à produire et échanger autour de ce soulèvement national, des enjeux de ces manifestations populaires, et de ce qui impacte directement l’enseignement supérieur et les écoles d’art.

Nous traiterons ces questions collectivement sans nuire à nos propres études ou celles des personnes qui ne rejoignent pas nos idées.

Nous avons pleinement conscience de la liberté que nous offrent notre école et nos études, nous nous réjouissons d’avoir accès à tant d’outils de création et aujourd’hui il ne s’agit pas d’entraver cette liberté, il est de notre devoir de la faire valoir et de la protéger.

A notre sens, habiter l’école passe aussi par le fait d’y dormir, de s’organiser pour manger ensemble, de se confronter à l’inconfort et de se sentir chez soi, de garder sains et propres ces espaces qui sont les nôtres, d’apprendre à respecter les intimités, de se réveiller le matin aux cotés de camarades et d’entamer une journée de travail et de réflexion.

Nous estimons que l’école est un lieu de travail et de vie, nous allons en faire la démonstration dans le plus grand respect et en toute responsabilité. Pour veiller au bon fonctionnement de cette expérience collective, nous avons établi des règles de vie approuvées par l’ensemble des personnes présentes aux Points du Jour de vendredi.

Notre établissement ne restera pas muet.

Ce lundi 10 décembre, notre direction nous reçoit avec un sentiment d’appréhension.

Nous apportons plusieurs textes écrits par des étudiant.e.s, un texte commun ainsi que les règles de vie établies la semaine passée. Le dialogue est immédiat, nos intentions comprises, la responsabilité dont nous faisons preuve apparente.

Notre direction nous apporte son soutien.

Nous invitons l’ensemble des écoles d’art françaises et les établissements de l’enseignement supérieur à s’impliquer à leurs tours et soutenons étudiant.e.s et lycéen.ne.s déjà mobilisé.e.s.

Des étudiant.e.s de l’Institut Supérieur des Arts de Toulouse »

Toulouse 1Toulouse 2Toulouse 3