[Communiqué] *Écoles d’art et design en lutte* « On ne ferme pas / on ferme » : Où est la « stratégie ambitieuse et cohérente » du ministère ?

Le 28 mars 2023, Rima Abdul Malak, alors ministre de la culture, répondait à une mobilisation sans précédent des étudiant·es et personnels des écoles supérieures d’art et design par une aide financière d’un montant jugé unanimement dérisoire, et par la commande d’un énième rapport, en mettant par là-même un terme à des discussions entrouvertes 15 jours plus tôt avec l’inter-organisations « Écoles d’art et design en lutte ».

Un an plus tard, presque jour pour jour, Rachida Dati, lui ayant succédé, fait encore mieux. Il n’aura pas fallu plus d’une journée à la ministre pour démontrer sa duplicité, en faisant recevoir l’inter-organisations par son cabinet le 18 mars, au cours d’une réunion de travail se donnant des airs de dialogue social, puis en annonçant dès le lendemain au cours d’une audition à l’Assemblée nationale être prête à fermer des écoles d’art.

Le ministère de la Culture est l’un de ceux où le plus grand nombre de ministres se sont succédé·es au cours des dernières années. En ce qui concerne les écoles supérieures d’art et design, la ligne reste pourtant constante : désengagement et irresponsabilité, ignorance et incompétence.

Retour sur les faits… 

Écoles d’art et design en lutte au ministère de la Culture…

Après avoir interpellé la nouvelle ministre sur la place des écoles supérieures d’art et design dans sa politique culturelle, l’inter-organisations « Écoles d’art et design en lutte » était reçue au ministère de la Culture ce lundi 18 mars. Étaient à l’ordre du jour les bourses et droits d’inscription des étudiant·es, les statuts des personnels, les dotations budgétaires des établissements et leur mode de gouvernance, ainsi que la professionnalisation, sur fond de réforme en cours du cursus DNA/DNSEP (Licence/Master) et de volonté ministérielle d’introduire l’alternance dans les écoles. 

Partageant ses analyses, attentes et propositions sur ces différents sujets, la délégation représentant l’inter-organisations a tenu à rappeler le sabordage par le ministère, un an auparavant, d’un échange à peine instauré, et a réaffirmé sa légitimité à être associé·es aux travaux en cours. Le ministère a en effet pris l’habitude de fuir le dialogue avec les organisations représentatives des étudiant·es et personnels des écoles d’art et design pour discuter exclusivement avec l’Andéa (association nationale des écoles d’art et design). La légitimité de cette association, où la représentation des écoles n’a rien de démocratique, n’est qu’auto-décrétée, et si l’on connait les prises de positions publiques de l’Andea en défense des écoles d’art et design, l’association joue pourtant depuis sa création un rôle moteur dans l’accompagnement des politiques ministérielles.

De son côté, le Cabinet et les services du ministère* ont assuré à la délégation que la ministre faisait de l’enseignement supérieur artistique l’une de ses priorités, en axant sa réflexion autour de trois enjeux : l’équité des territoires, l’accès à toutes et tous aux parcours artistiques et aux métiers de la culture, ainsi que l’excellence des formations. Des enjeux dans lesquels l’inter-organisations peut tout à fait se reconnaitre.

La rencontre s’est achevée en convenant d’une nouvelle date de rendez-vous fin mai, précédé d’un partage de propositions, en vue d’un échange plus approfondi autour de cinq axes de travail : condition étudiante / budget / statut des personnels / relation ministère-collectivités / professionnalisation.

Représentés par Emma Buttin, conseillère spectacle vivant, arts visuels, design, mode et métiers d’art au cabinet de la ministre ; Florence Botello, chargée de la démocratie culturelle et de l’égalité des chances au cabinet de la ministre ; Laurent Caillot, conseiller social attaché au cabinet de la ministre ; Noël Corbin, délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle ; Denis Declerck, sous-directeur des enseignements spécialisé et supérieur et de la recherche (DGCA).

Dans  le détail :

Sur la fermeture de l’ESAD Valenciennes et la non-accréditation de l’EMA de Chalon : la délégation a rappelé que le ministère pouvait encore se positionner en soutien à ces écoles. Vis-à-vis de l’EMA Chalon, la DGCA a précisé avoir fait des propositions d’alternatives au président du Grand Chalon, sans réponse à ce jour. Celles-ci entérineraient quoiqu’il en soit la disparition du DNA de l’école, alors que nous revendiquons sa sauvegarde.

Sur la question de l’exonération des droits de scolarité des étudiant·es boursier·es et de la hausse des frais d’inscription : le ministère a convenu que sa vision était imprécise et a invité Le Massicot à constituer un groupe de travail sur le chiffrage des remboursements de droits de scolarité. Si le syndicat étudiant est disposé à partager ses calculs et propositions concrètes sur le sujet, on peut néanmoins se demander si c’est à lui de faire le travail du ministère. Nous l’avons au moins enjoint, ce lundi, à clarifier ses circulaires en regard du Code de l’Éducation.

Sur la reconduction de l’aide d’urgence de 2 millions accordée en 2023 : le cabinet a assuré son « soclage » pour l’année 2024, loin des 16 millions soutenus par les député·es et sénateur·rices mais balayés par la ministre précédente lors de la PLF 2024, loin des 20 millions d’urgence demandés tant par l’inter-organisations que par la délégation des président·es d’EPCC, et très loin des 60 millions que nous avons estimés nécessaires pour répondre à l’ensemble des besoins des écoles — évolution statutaire des enseignant·es y compris. Tout en faisant part de l’ambition d’augmenter ce montant au-delà de 2 millions dans le budget 2025, le cabinet de Mme Dati a aussi indiqué que la préservation de cette somme pouvait déjà s’avérer un enjeu difficile dans le contexte des coupes budgétaires récemment subies par le ministère.

Sur la professionnalisation, l’alternance et l’apprentissage : La délégation a expliqué que les problèmes d’insertion professionnelle des diplomé·es ne tiennent pas tant aux formations dispensées dans nos écoles qu’à la réalité de nos métiers, leur précarité et l’état des structures culturelles en France. Nous avons en ce sens rappelé le dépôt récent d’une proposition de loi sur la continuité de revenus des artistes-auteur·ices, et notre très fort doute quant à la mise en place de l’alternance dans nos établissements, à laquelle la ministre semble particulièrement attachée. 

… et Rachida Dati à l’Assemblée nationale

Alors que l’impression générale à l’issue du rendez-vous du 18 mars était celle d’une écoute réelle, c’est une tout autre partition qu’aura jouée Rachida Dati dès le lendemain lors d’une audition par la commission Culture de l’Assemblée nationale. Face aux député·es, fustigeant une « jungle des écoles » (en fait un maillage riche et divers), la ministre a affirmé vouloir fermer certaines d’entre elles, parmi les écoles territoriales, tout en reconnaissant que la décision ne lui incombait pas directement. Elle a fait état de la préparation d’une stratégie ministérielle visant la remise à plat de la cartographie des établissements, la recherche de performances, la réduction des dépenses et une professionnalisation réduite à l’apologie de l’apprentissage en alternance.

Une politique funeste

La méthode du ministère est de plus en plus évidente : en assumant publiquement son désengagement, le ministère tend une perche aux collectivités locales les moins fortunées et/ou les moins concernées par leurs écoles d’art et design, afin que celles-ci puissent les abandonner en ne sachant que trop bien que le ministère de la Culture n’y opposera aucune résistance, et précipitera au contraire le cours des choses en dévoyant les procédures d’accréditation des formations.

C’est un choix éminemment politique : celui de favoriser l’enseignement artistique privé en appliquant ses recettes de mal nommée « professionnalisation » (en alternance) au maillage des écoles supérieures d’art et design publiques.

Les écoles — nationales y compris — qui survivront à cette épreuve seront loin d’être confortées en contrepartie. Au contraire, elles continueront à faire face à une concurrence accrue des écoles privées et au fait que l’État ne semble envisager d’améliorer son soutien ni à la création (statut des artistes-auteur·ices, dotations des équipements culturels, etc.), ni aux conditions de vie des étudiant·es.

Que faire ?

L’inter-organisation Écoles d’art et design en lutte est disposée, comme l’a toujours fait l’ensemble de ses organisations, à faire part de son expertise de terrain à tous les niveaux du secteur culturel, afin d’aider le ministère de la culture à mettre en œuvre une politique réellement pertinente, ambitieuse, et efficace pour les écoles d’art et design. Mais pourquoi discuter si le ministère a déjà un programme vertical bien établi pour enterrer les écoles et les faire marcher au pas ? Les déclarations de Mme Dati appellent des clarifications avant toutes choses, car le dialogue social ne servira pas de caution à des choix stratégiques inacceptables.

Tant que ce dialogue ne sera pas suivi d’effets tangibles, c’est à une nouvelle mobilisation des étudiant·es et personnels que le ministère devra se confronter.

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